En vidéo Réussir son installation hors cadre familial
Christophe Allanic, responsable installation/transmission à la chambre d’agriculture de Bretagne, livre en vidéo ses conseils pour s’installer derrière un tiers. Le témoignage de Cyrille Herbert, qui a repris une exploitation hors cadre familial il y a bientôt dix ans, appuie nombre de ses préconisations. Beaucoup sont aussi valables pour les successions en famille !
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1- La relation cédant/repreneur
La première clé de succès d’une installation hors cadre familial, d’après Christophe Allanic, responsable installation/transmission à la chambre d’agriculture de Bretagne, est la relation avec le cédant. « L’aspect humain est essentiel. Des interactions sont nécessaires entre le repreneur et l’agriculteur qui lui cède sa ferme. La création d’un lien, plus ou moins fort, est importante. »
L’aspect humain est essentiel, avec le cédant et pour s’intégrer sur le territoire.
Ceci, afin de faciliter la transmission des savoirs et savoir-faire, comme l’intégration du futur installé sur un territoire dont il n’est pas forcément originaire (pour créer également du lien avec les voisins, les organisations agricoles, le tissu économique et social). Le repreneur doit « amener son projet au cédant », ajoute Christophe Allanic. Celui-ci y « adhérera » alors plus facilement. Et ce d’autant plus, si l’un et l’autre « partagent des valeurs communes ».
Le témoignage de Cyrille Herbert vient appuyer ces propos. Non issu du milieu agricole et attiré par l’élevage, il est d’abord salarié et agent de remplacement, en espérant un jour reprendre la ferme d’un tiers. Ses critères : la localisation à proximité de Fougères (Ille-et-Vilaine), la production – des vaches laitières – et la possibilité de pratiquer un maximum de pâturage.
Neuf ans après, il me donne encore des coups de main.
Alors qu’il remplaçait un éleveur sur une structure qui répondait bien à ses objectifs, il y est « allé au culot » en l’interrogeant sur ce qu’il prévoyait pour sa succession et en lui signifiant qu’il était intéressé. Une stratégie payante : un an et demi plus tard, ce dernier le rappelle pour lui faire une proposition. Sans doute parce que Cyrille et lui ont noué de bons rapports. « Neuf ans après, il me donne encore des coups de main », confirme le jeune agriculteur.
2- La formation du futur installé
Deuxième facteur de réussite : la formation, beaucoup de jeunes qui décident de s’installer hors cadre familial ayant « une culture agricole » limitée. Il s’agit « d’évaluer ses compétences », explique le responsable installation/transmission, pour « savoir lesquelles améliorer » et se former en conséquence. Il met en avant « le parcours d’installation en agriculture, prévu notamment pour ça ». Des programmes, à la carte, peuvent être mis en place et bénéficier de financements (Vivea, compte personnel de formation…).
Acquérir une culture agricole.
Le stage de parrainage et le droit de l’essai pour rejoindre un Gaec, sont deux dispositifs qui permettent, au producteur sur le départ, de transmettre à son successeur ses connaissances et son expérience, mais aussi de vérifier que son profil et ses attentes correspondent à la ferme. De son côté, ce dernier peut voir si le métier, l’exploitation et le collectif de travail, dans le cas d’une société, lui conviennent.
Cyrille Herbert a réalisé un stage de parrainage. Son « seul regret » : « deux mois, ce n’est pas assez long. Il faut au moins un an pour voir un cycle complet de production et les différents chantiers qui se succèdent au fil de l’année. »
3- Le coût de la reprise
Le troisième critère à prendre en compte est la valeur de reprise de l’exploitation. « Une bonne valeur de départ, calculée par le cédant, c’est moins de négociations derrière et une meilleure fluidité dans les relations », pointe l’expert.
Une bonne valeur de départ, c’est moins de négo derrière.
Cyrille détaille : « Il est important d’avoir accès à tous les chiffres. Chaque partie doit lister les choses sur lesquelles elle ne veut pas transiger et ce sur quoi des concessions sont envisageables. » « L’éleveur souhaitait vraiment que sa structure perdure, dans les mains d’un jeune, même s’il aurait sans doute pu mieux la valoriser en la laissant partir à l’agrandissement », argue-t-il par ailleurs. « À trop vouloir négocier, on risque de se mettre le cédant à dos et de ne pas pouvoir le solliciter si besoin », alerte-t-il ensuite.
4- Accompagner le cédant
C’est le rôle des conseillers spécialisés, via des visites, des formations voire des packs transmission. Et le quatrième paramètre mentionné par Christophe Allanic, et non des moindres. « Il faut y aller en douceur », souligne-t-il, car la transmission d’une ferme est un processus complexe, avec des implications techniques (juridiques, fiscales, financières, foncières…), humaines (par rapport au repreneur, au milieu familial, professionnel) et psychologiques (arriver à se séparer de son exploitation, à cesser son activité). « On apporte les premiers éléments d’information et de réflexion », détaille le spécialiste.
Y aller en douceur. L’objectif : s’assurer que le cédant est prêt à transmettre.
Un travail de sensibilisation, sur les différents volets cités ci-dessus, qui débouche sur une question cruciale : le cédant est-il prêt à transmettre ? « Parfois, ce n’est pas le cas même si tout est nickel sur le papier. Mieux vaut donc s’en assurer », argumente-t-il, insistant de nouveau : « Céder son outil de travail, après 30 à 40 ans de carrière, n’est pas quelque chose de singulier. » C’est pourquoi, les conseillers s’efforcent de « satisfaire les attentes de chacun en fonction des profils » qu’ils ont en face d’eux.
5- Accompagner le repreneur
Pour réussir une installation agricole derrière un tiers, on aurait tendance à penser d’abord à l’accompagnement des repreneurs plutôt qu’à celui des futurs retraités, que Christophe Allanic évoque pourtant avant, sans doute parce qu’on y songe moins alors qu’il s’étoffe d’année en année. Les agriculteurs le sollicitent davantage, mais certains tabous ont la vie dure. Revenons aux porteurs de projet, HCF ou non : pour bénéficier d’un appui humain et financier, ils doivent passer par le point accueil installation (PAI), « centre de renseignement multipartenaires qui répond à leurs premières interrogations ».
Le repreneur, lui aussi, est-il prêt à s’installer ?
« Une fois que le projet est clairement identifié, commence pour tout le monde le parcours de professionnalisation personnaliséou 3P, avec l’évaluation des compétences à acquérir ou renforcer après les études et les expériences professionnelles. » Ensuite seulement, « nous passons au chiffrage ». « Nous leur apprenons à connaître et maîtriser tout un tas de données, précise le responsable installation/transmission. Une fois l’exploitation trouvée, nous les aidons à bâtir leur projet, jusqu’à sa concrétisation, avec une approche globale : économique, humaine, environnementale, sociétale. »
Là aussi, il faut s’assurer que les repreneurs sont prêts à s’installer. Entre autres : qu’ils ont effectué toutes les démarches requises, disposent de tous les documents exigés et pourront percevoir les aides auxquelles ils ont droit. Donc que leur dossier peut être déposé. Aucune différence ici non plus selon les publics, à part peut-être une vigilance accrue et un suivi plus étroit, sur ces points et plus globalement, lorsqu’on choisit de s’installer après un tiers. « Ces derniers deviendront des agriculteurs performants et épanouis, avec plein d’idées en tête pour évoluer en permanence », lance Christophe Allanic. Comme leurs homologues en reprise familiale, voire davantage qui sait.
6- L’important côté cédant : être ouvert vis-à-vis du repreneur
« Il faut que le cédant soit prêt à céder, reprend Christophe Allanic. Et qu’il soit ouvert. » Autrement dit : qu’il accepte que son exploitation change, via la création ou le remplacement d’un atelier, des nouvelles pratiques, un changement de système, etc. Leur rappeler qu’eux aussi ont changé des choses à leur installation. Faire témoigner des jeunes sur ces nouveaux modèles pendant la formation transmission.
Cyrille Herbert témoigne dans ce sens. Une fois installé, il a arrêté les vaches allaitantes et intensifier le pâturage. « Attention cependant à ne pas proposer, dès le départ, des modifications radicales, qui pourraient déstabiliser le cédant », prévient-il, avant d’ajouter. « Les premières années sont déjà difficiles alors mieux vaut procéder de manière progressive. »
Ne pas tout révolutionner dès le départ.
La question de la maison d’habitation est aussi « centrale », juge le responsable installation/transmission. « Si elle est dans le corps de ferme, il vaut mieux la transmettre, conseille-t-il. Une installation est un projet global, un projet de vie. » De surcroît, « cette localisation lui fait perdre de la valeur », complète Cyrille.
7- L’important côté repreneur : faire partager son projet au cédant
Côté repreneur, l’expert le répète : « Il doit savoir présenter, amener son projet, et montrer qu’il est durable. » De même que rassurer en disant, par exemple, qu’il va « poursuivre le travail engagé sur la ferme, avec les mêmes valeurs ». On en revient au lien avec le cédant, qui présente un autre avantage : celui d’en créer un avec les propriétaires fonciers, l’un des fondamentaux d’une transmission et d’une installation réussies, dans le cadre familial également. « Aller les voir, c’est 18 ans de bail de gagné ! En début de carrière, on ne peut pas se permettre de perdre quelques hectares, lance le jeune agriculteur. Car ils se montrent parfois réticents, se demandant s’ils vont être payés. »
Dans sa continuité, avec les mêmes valeurs.
Pour finir, Christophe Allanic liste quelques freins pour s’installer hors cadre familial. Les cédants quelques fois usés, voire désabusés, optent pour la solution de facilité : céder pour agrandir d’autres exploitations. Le type de fermes à transmettre, de grande dimension, en société, au parcellaire dispersé, etc., peut être bloquant pour les repreneurs. De même que le risque financier (faible retraite, baux long terme engageants), pour les cédants. Le rapport offre/demande en hors cadre familial s’inverse. Aujourd’hui, il y a 3-4 cédants pour un jeune. À l’installation de Cyrille Herbert, qui remonte à peine dix ans, c’était le contraire.
Source : article et vidéo réalisés suite à la conférence intitulée "Les clés de réussite de l'installation après tiers", organisée au Space 2023 par la chambre d'agriculture de Bretagne.
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